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Concerne: Projet de directive européenne sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur
Luxembourg, le 8 Février 2005
de : Lilux ASBL
à : Monsieur Jeannot Krecké, Ministre de l'Économie et du Commerce extérieur, Ministre des Sports
Monsieur le Ministre,
Comme la plupart des informaticiens en Europe et dans le monde, nous sommes extrêmement préoccupés par le projet de directive européenne sur la brevetabilité des inventions mises en oeuvre par ordinateur (2002/0047 COM (COD)) - expression sous laquelle se camoufle en réalité l'intention d'autoriser, sans restriction sérieuse, la brevetabilité des logiciels, des algorithmes et même de certaines méthodes commerciales.
Le texte du projet, tel qu'il a été proposé par la présidence irlandaise au Conseil de l'Union européenne lors de la session du 18 mai 2004 sur la compétitivité, permettrait en effet une brevetabilité quasi illimitée des logiciels en tant que tels, mettant ainsi en danger la plupart des sociétés européennes travaillant dans ce domaine, notamment en les exposant aux risques d'une dérive juridique à l'américaine, qui permet aux très grandes sociétés (américaines pour la plupart, bien entendu) d'attaquer n'importe quel concurrent gênant, sachant que celui-ci ne pourra même pas engager les frais exorbitants d'une procédure, quelle que soit la valeur réelle de la plainte ; et les exemples de brevets absurdes sont hélas déjà légion aux États-Unis.
Plusieurs rapports et études montrent clairement le danger ; notamment une étude commanditée par le gouvernement polonais. La déclaration officielle à ce sujet se trouve sur le site Internet du gouvernement polonais (1).
Un rapport de la présidence néerlandaise, intitulé "Rethinking the European ICT Agenda: Ten ICT-breakthroughs for reaching Lisbon goals", comporte une analyse effectuée par la société de consultance Price, Waterhouse & Coopers, qui y relève clairement les dangers posés par les brevets logiciels. Vous pouvez le consulter sous l'item 342, page 50 du rapport, téléchargeable sur le site Internet du Ministère néerlandais de l'Economie (2).
Dans un autre rapport, daté du 22 juillet, la Deutsche Bank, via son magazine Deutsche Bank Research, montre les mêmes inquiétudes. (voir l'introduction ainsi que les pages 6 et 7, le paragraphe "Let Ideas Flow / Opportunity 3") (3).
Le 21 octobre dernier, l'ensemble des quatre groupes parlementaires au Bundestag s'élevaient contre les brevets logiciels et contre la proposition législative en question et introduisaient différentes motions à cet effet. (Référence : Deutscher Bundestag "hib-Meldung" <Patentierung von Computerprogrammen "effektiv begrenzen">) (4).
Le 2 février dernier, la commission Juri du Parlement européen a voté pour un renvoi du texte à la Commission européenne. Le Bundestag se prononcera sur ce texte le 17 février 2005. Ainsi pouvez-vous constater à quel point il est inapproprié de vouloir soumettre à nouveau ce texte au Conseil avant que la Commission européenne n'ait pu prendre position sur la procédure de redémarrage.
Comme le Commissaire au Marché Intérieur, Charlie McCreevy, l'a stipulé devant la commission aux affaires juridiques du Parlment européen (JURI), le 2 février dernier, «un dialogue constructif entre le Conseil et le Parlement était vital pour trouver un accord ». Nous demandons expressément à la Présidence luxembourgeoise de respecter cette volonté de dialogue et donc de ne pas mettre ce texte à l'ordre du jour du Conseil ECOFIN du 17 février en tant que « point A ».
Nous vous prions, monsieur le Ministre, de bien vouloir considérer que les signataires de cette lettre, sont des professionnels du domaine des NTIC connaissant bien le sujet de la brevetabilité logicielle, ainsi que les aspects de l'innovation et de la comptétitivité y relatifs. C'est pourquoi nous serions très heureux de pouvoir vous rencontrer afin de discuter plus clairement sur ce sujet capital pour l'avenir de la société de l'information européenne.
Dans l'attente d'une réponse favorable de votre part, nous vous prions d'agréer, monsieur le Ministre, l'expression de notre très haute considération.
Thierry Coutelier Senior Software Engineer chez SES-ASTRA Président LiLux asbl. Membre Internet Society Luxembourg
Pascal Steichen Secrétaire LiLux asbl
Alain Louge Eurobeton --- Groupe Ciments Luxembourgeois
LiLux asbl